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Jana Strahler


Auteur

Akhnaten Nketia étudie les sciences politiques et la philologie allemande à l’université de Fribourg.

Depuis sa 1ère en allemand et sa 4ème en physique, ce natif de Stuttgart a abandonné son rêve de devenir inventeur et s’essaie maintenant au journalisme en herbe. Il s’intéresse particulièrement à la politique étrangère allemande, aux régions d’Afrique de l’Ouest et de l’Est, ainsi qu’à la littérature contemporaine de langue allemande. Son article le plus important à ce jour porte sur les dessous de la guerre au Tigray et a été publié dans le mensuel hambourgeois “Analyse & Kritik”. Actuellement, il en est à son dernier semestre d’études à Fribourg. Après des années de calme dans l’idylle du sud de la Bavière, il devrait se rendre dans une plus grande ville pour ses études de master.


Tu ne peux pas franchir tous les obstacles

A l’Institut du sport et des sciences du sport, le monde semble serein. Le soleil brille. Ici, au bord de la Dreisam, on aperçoit la pittoresque Forêt-Noire. Jana Strahler, professeure de psychologie du sport, s’en réjouit. Son campus n’est heureusement pas une “grande boîte grise”. Non, ici règnent “les terrains de sport, les terrains de beach-volley et le gazon verdoyant”. Elle s’extasie. “De toute façon, à Fribourg, il y a toujours du soleil”, dit-elle en souriant. J. Strahler est franche et ouverte au dialogue. Elle s’est préparée à l’entretien. Son bureau se trouve au troisième étage, avec une large vue sur le magnifique décor naturel. Comme pour souligner son attachement à la nature, une photo de la Zugspitze y est accrochée. C’est l’endroit qu’elle préfère actuellement pour pratiquer intensément son sport pendant son temps libre. Après avoir joué au handball pendant 20 ans, elle privilégie désormais “le sport dans la nature, à n’importe quelle vitesse” pour compenser son travail quotidien. Un tel équilibre est d’une importance inestimable. “Je suis à la fois cheffe, mentor, directrice de thèse, collègue, partenaire de coopération et, surtout, conférencière et professeure. Faire tenir tout cela en une journée de travail de huit heures est un défi absolu”, dit J. Strahler. Elle occupe ce poste à Fribourg depuis 2021. Elle a passé cinq ans à Giessen en tant que post-doctorante en psychothérapie et neurosciences systémiques.  Avant cela, J. Strahler a passé cinq ans à Marburg en spécialité de biopsychologie clinique.

Fille de médecins, la voie de l’académisme lui était en quelque sorte tracée à la naissance. Grâce à une tante qui travaillait dans une université, elle a su très tôt que l’enseignement et la recherche allaient de pair. Dès le début de ses études en psychologie à l’université technique de Dresde, la native de Görlitz avait déjà quelques certitudes : “J’aime la recherche, j’aime découvrir, j’aime créer du savoir”, affirme J. Strahler. Elle s’est donc rapidement fixé un objectif clair : “Aller vers un poste de professeure ou au moins trouver un poste à durée déterminée en tant que post-doctorante”. La plupart de ses camarades d’études n’avaient pas autant d’ambition. “Ceux qui pensaient : ‘Nous voulons rester dans la science’ étaient peu nombreux”. J. Strahler s’est vite rendu compte qu’elle se passionnait davantage pour la prévention que pour le traitement des maladies psychiques. En s’intéressant au thème du stress, le sport s’est retrouvé au cœur de son travail scientifique – influencé par ses propres activités sportives, bien sûr. Elle a pu transmettre au travail, la discipline, la gestion du temps et l’esprit d’équipe, qu’elle a acquis lors de ses pratiques sportives. Malgré sa position de leader, J. Strahler est fermement attachée à la devise : “On gagne et on perd ensemble”.

A-t-elle déjà eu des doutes sur sa voie ? “Disons que je n’ai jamais douté au point d’envisager un plan B. En fait, il n’y a jamais eu que le plan A et s’il me manquait quelque chose pour atteindre mes objectifs, je l’ai appris”. Cette volonté de résoudre les problèmes se reflète également dans sa manière d’aborder ses recherches : “Qu’est-ce qui rend un homme fort ou plus fort ? Qu’est-ce qui le rend plus résistant ?”. Elle prend visiblement plaisir à expliquer son travail. Informer, transmettre, lever les tabous – sont les fondamentaux de ses recherches sur l’entraînement basé sur le cycle menstruel. Bien sûr, elle n’a pas choisi ce sujet par hasard et elle refuse d’aborder sa science principalement sous l’angle de la féminité. Elle admet néanmoins : “En tout cas, ce à quoi je m’intéresse est certainement lié à mes propres points forts et expériences”. J. Strahler étudie l’influence du cycle menstruel sur la performance sportive, “parce que nous avons constaté que ce sujet n’était jamais traité, qu’il était tabou”. Les femmes elles-mêmes ne savent presque rien de l’impact de leurs règles sur leurs performances sportives. L’écho est donc positif lorsque J. Strahler aborde le sujet en public. “Merci d’évoquer ce sujet. Je n’y avais pas pensé. Je vais y prêter attention”, déclarent par exemple les internautes sur les réseaux sociaux en faisant l’éloge de son travail. Car même sur ces thèmes spécifiques aux femmes, les hommes se les approprient. J. Strahler explique : “Au vu du nombre d’hommes actifs dans la science, notamment à des postes à durée déterminée, il est malheureusement normal qu’ils occupent tant de places dans les médias”.

La participation aux comités internes de l’université est une autre partie de son quotidien. Déjà à l’époque où elle travaillait à Marburg et à Gießen, l’égalité et la promotion des femmes étaient des sujets extrêmement importants, même si c’était souvent à l’initiative de femmes engagées. “A ce stade, je ne considérais pas l’université comme un moteur de la féminisation”, dit J. Strahler à propos de son expérience. Elle se voit comme une “facilitatrice” en matière d’égalité : “Ma devise: investir de l’énergie là où l’on peut réellement changer les choses”.

Pour certains, cela peut paraître étrange et blâmable qu’elle ne s’exprime pas suffisamment à haute voix et de manière critique. Oui, pourquoi pa? “Parce que je préfère agir plutôt que parler”. Mais la professeure sait aussi se montrer autocritique : “Je ne sais pas si c’est toujours la bonne méthode. Parfois, il faut faire du bruit pour réveiller les gens, mais l’autre voie me tente plus”. Comment les collègues masculins perçoivent-ils cet engagement en faveur de l’égalité ? De temps en temps ils parlent sans réfléchir, J. Strahler ne s’en soucie guère. “On a le droit d’être un peu sourd”, remarque-t-elle calmement. Une déclaration exemplaire, n’est-ce pas? L’est-elle vraiment ? Un modèle à suivre? Sur ce point, la professeure devient plus sérieuse. Etre modèle fait partie de sa fonction et constitue donc un élément fondamental de son travail. La plupart du temps, ses propres modèles venaient de son entourage direct, comme des collègues ou des supérieurs quelque soient leur sexe. Cependant, J. Strahler est convaincue que “les filles ont besoin de modèles féminins”. Elle recommande donc à celles qui poursuivent une carrière scientifique d’échanger avec d’autres femmes sur les problèmes rencontrés et de se faire conseiller. J. Strahler a elle-même participé à ‘ProProfessur’, un programme de mentorat du Land de Hesse pour la promotion des femmes dans les sciences. Pourquoi a-t-elle décidé d’y participer? “Tout simplement pour mieux comprendre le rôle de professeure. Cela a soulevé une nouvelle question: Ok, est-ce que je veux vraiment devenir professeure? Comment est-ce que je vais gérer cette situation? Celles qui feront comme J. Strahler découvriront les subtilités du monde universitaire : “Tu ne peux pas franchir tous les obstacles. Parfois, tu dois en faire le tour”.