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Julia Gurol


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Jona Ebert est étudiant en 3ème année de sciences politiques et d’anthropologie culturelle. Après avoir grandi non loin de Stuttgart, il s’est installé à Fribourg à l’automne 2021. La politique et la réflexion sur ce thème le passionnent. Pour l’instant, il se voit bien faire du journalisme.


Entre les recherches sur le terrain et la vie académique

Printemps 2023. Le Qatar qui – jusqu’en décembre dernier – a suscité une si grande attention – Coupe du monde de football masculin dans le Golfe persique – a renvoyé une mauvaise image sur un pays sans culture footballistique, sur un pays minuscule qui tente d’utiliser ses immenses richesses et son influence croissante comme un gage dans le monde. Que reste-t-il de ces prétendus changements ? Julia Gurol-Haller, politologue, tente de répondre à cette question bien qu’elle ne puisse entrer en contact avec une parte de la population: Ce sont les femmes, les marginalisées et les sans-voix, qui motivent ses recherches à l’Université de Fribourg. Elle ne se contente pas de ce qu’elle a observé et s’investit pour l’égalité de tous les scientifiques. Ses recherches se concentrent sur l’autoritarisme, l’infrastructure et la connectivité particulièrement en Chine et dans la région du Golfe. Ce faisant, elle prend régulièrement conscience des continuités coloniales, de la violence épistémique et de l’asymétrie dans la production du savoir – des problématiques qu’elle connait parfaitement pour les avoir étudiées.

Gurol-Haller a déjà un historique de recherche remarquable. Elle a été nommée, l’été dernier et pour cinq ans, dans le cercle très fermé de la Jeune Académie de Leopoldina, preuve de ses performances extraordinaires dans son domaine. “Nous pouvons aussi changer les conditions sociales et les structures du système scientifique”, dit-elle. Cela se reflète dans ses actions et son comportement. Il est important pour elle de lutter contre les injustices structurelles dans tous les domaines de la vie universitaire. Dans son enseignement, elle mise sur l’apport de ses expériences acquises sur le terrain dans des milieux autoritaires et patriarcaux, en Chine ou au Proche-Orient, afin que ses étudiants deviennent eux-mêmes des chercheurs réfléchis. “Lorsque je lis des devoirs et des essais”, explique Julia Gurol-Haller, “et que l’on cite principalement des auteurs blancs, européens ou américains, cela me montre que nous avons encore un long chemin à parcourir avant de parvenir à un système de connaissances global et inclusif”. – Il lui tient à cœur d’attirer l’attention sur cette sous-représentation, souvent subtile, et sur la discrimination systémique dont sont victimes les femmes universitaires ou les chercheurs issus de ce que l’on appelle le Sud global.

En réfléchissant à sa propre position, à ses objectifs en matière de recherche et d’enseignement, elle a également grandi sur le plan humain. Le débat sur le langage sensible au genre est pour elle un catalyseur des tensions sociales et sociétales, car être une femme donc désavantagée est un phénomène récurrent. Une carrière académique comme celle de Julia Gurol-Haller est un exemple qui montre bien comment des talents non masculins font leur chemin dans la science, malgré tous les obstacles systémiques. Contre ou justement grâce à toutes ces résistances ? “Personnellement, j’ai aussi tiré une motivation de mon engagement pour plus d’égalité des chances dans le système scientifique”, dit-elle. Pour cela, il faut aussi l’engagement et le soutien des hommes féministes. Car dans sa carrière ou dans la recherche, elle n’a pas toujours rencontré que des hommes intéressés par l’égalité des sexes. Aujourd’hui encore, certains scientifiques confirmés ne prennent pas au sérieux leurs collègues féminines en pleine ascension. Ainsi ils ne nuisent pas seulement à eux-mêmes, mais aussi au monde scientifique dans son ensemble.

Julia Gurol-Haller le sait bien, tant par son travail académique que par ses recherches sur le terrain : son premier voyage de recherche au Liban l’a confrontée à la dure réalité des sociétés ouvertement patriarcales.  Lorsqu’elle en parle, on sent son enthousiasme vibrer dans la pièce, une motivation inconditionnelle à faire de la recherche en tant que femme; mélanger les espaces sociaux et présenter un tout autre regard sur ces réalités. Pour elle, tout cela s’inscrit dans le contexte des asymétries globales dans la production du savoir.

Elle met également à profit sa riche expérience dans son enseignement. Dans ses séminaires, Julia montre toujours que la suppression de l’oppression, la marginalisation et les inégalités sont la tâche de ceux qui n’en souffrent pas directement. “Aujourd’hui comme hier, un savoir acquit de manière inégale et unilatérale n’est pas en mesure d’étudier de manière adéquate les problèmes et les évolutions de la société”. Julia Gurol-Haller s’est engagée à éradiquer ces structures. Cela devient évident lorsqu’elle parle des expériences de ses collègues scientifiques, d’autres femmes qui ont dû surmonter les mêmes obstacles. “Nos étudiantes sont souvent très attentives à la discrimination. C’est une évolution positive”, dit-elle. Leur donner les chances que tous devraient avoir est l’une de ses préoccupations fondamentales, afin que dans quelques années, les femmes, les mères, les personnes Trans et les non-binaires trouvent partout une place aux côtés des hommes dans la science et la revendiquent naturellement. Lors de son prochain retour du Qatar elle ne manquera pas de faire profiter à ses étudiants de Fribourg ses nouvelles expériences.